vendredi 11 mai 2012

Grands espaces à la Punta Calabre

Deux jours de beau temps au milieu de ce printemps pourri, ça ne se manque pas ! Après la période de foehn et les températures élevées de ces derniers jours, il faut monter haut pour trouver la neige. Même à Chamonix, ce n'est pas évident, car si l'on peut toujours utiliser les téléphériques, le retour en vallée pose problème, car le train du Montenvers est fermé jusqu'à nouvel ordre. De plus, le bas des glaciers (Mer de Glace et Argentière) commence à être moche. Je repense aux sommets qu'on avait alors l'habitude de faire avec Seb à cette période de l'année: l'Aiguille des Glaciers: la route des Chapieux n'est pas encore déneigée. La Tsanteleina, du côté de Val d'Isère: parking à plus de 2000 m, c'est le bon plan. On a déjà fait la face Nord 2 fois, et le côté sud 1 fois. J'innove: comme c'est assez loin de Passy, autant y aller pour un itinéraire neuf et joli si possible: une traversée depuis le Fornet (quelques kilomètres au-dessus de Val d'Isère) jusqu'au barrage du Saut (au-dessus du lac de Tignes), en passant par l'Italie, soit 2 cols et un sommet au programme.
Je pars la veille de Passy: je compte dormir dans le fourgon au parking du Saut, au pied de la Grande Sassière. Sur place, c'est la déception: la route est encore fermée par arrêté municipal du maire de Tignes, Olivier Zaragoza, qui a bien raison de se couvrir, car l'horizon pourrait bien être prochainement un peu plus gris pour lui. Le tribunal d'Albertville a en effet requis l'hiver dernier 6 mois de prison contre ce monsieur ! (pour prise illégale d'intérêts).
La barrière m'oblige à me garer dans la 1ère épingle, à 1940 m d'altitude, alors que le parking se trouve à 2280 m, soit 340 m que nous serons obligés de descendre le lendemain en grande partie à pied, sur un goudron parfaitement sec et déneigé. Cette fermeture est d'autant plus incroyable que les petits 4x4 (style Fiat Panda) peuvent aisément contourner la barrière, en passant sur le bas-côté, et monter ainsi jusqu'au bout de la route.
Un peu dépité, je ne me laisse pas abattre pour autant: je sors le réchaud et me prépare un bon plat de pâtes. En guise de promenade digestive, je vais voir plus haut si la neige est présente: relative bonne nouvelle: on pourra descendre en skis (moyennant de nombreux déchaussages) jusqu'à 2110 m !
Le jour J, à 5h15 Seb passe me prendre, et nous emmène à Val d'Isère. En l'espace de quelques kilomètres, la température baisse subitement de 11° à 6° ! Au Fornet, à 5h45, l'employé du conseil général est déjà en train de déneiger la route. On estime qu'en 10-15 minutes la route peut être ouverte et qu'on pourra alors s'économiser les 2 km à pied jusqu'au Pont St Charles. Aussi, nous nous préparons piano-piano.
Erreur, 400 m plus loin, la route est à nouveau recouverte de 30 cm de neige, sur 200 m environ. Ce n'est pas de la neige fraîche qui vient de tomber, c'est de la neige de névé, regelée et dure, et le bull en aura encore pour un bon moment. Enfin bon, on a toujours gagné 400 m !

Attention, pour une bonne compréhension des lieux, il faut savoir que les noms des sommets frontaliers ne correspondent pas sur les cartes françaises et italiennes: La Punta Calabre est la Pointe de Bazel et la Pointe de Calabre est le Roc del Fond !

Les skis sur le sac, nous remontons donc la route, puis le sentier, et enfin nous prenons pied sur la neige à 2200 m, peu après la bifurcation avec le sentier des gorges de Malpasset, qui conduit au refuge de Prariond. La neige est "mi-dure mi-molle", idéale pour progresser à pied: on enfonce juste ce qu'il faut pour se sentir en confiance, et ne pas trop se fatiguer. La langue de neige n'est pas très large, et à skis, cela nous obligerait à multiplier les conversions !
Seb au galop dans la pente des Cavales !
A 8h20 nous arrivons au replat du Tenn de Rhêmes (2670 m), où nous chaussons les skis, au soleil !
Nous allons monter à gauche, sous la Pointe de Calabre
A partir de là, la féerie commence: le paysage s'ouvre et les hauts sommets glaciaires se découvrent. Nous longeons la paroi S-E de la Pointe de Bazel.


Cimes de La Vache, d'Oin, Grande Aiguille Rousse, Gros Caval entourent le glacier des sources de l'Isère
La face N-E de la Grande Aiguille Rousse
 Nous poursuivons notre route, sous la Pointe de Calabre:
Seb joue au trappeur et suit la piste d'un animal
Sur le glacier de Rhêmes-Calabre
9h30: Arrivée au col, à 3074 m. Toujours le même émerveillement: c'est un col large et "rond", qui laisse découvrir le paysage qui se trouve de l'autre côté petit à petit: d'abord un sommet, puis un bout d'arête se dessine, et enfin c'est tout une montagne qui est là, de l'autre côté du glacier: la Granta Parei.
Ghiacciaio di Soches et Granta Parei
Bien sûr, de l'autre côté du col, ça descend ! Mais il n'y a qu'à se laisser glisser sur 50 m avant de reprendre l'ascension jusqu'au sommet de la Pointe de Bazel. Nous gardons donc les peaux de phoque.
Nous laissons derrière nous la Pointe de Calabre.
Ensuite c'est le grand désert blanc. Ce glacier décrit une grande courbe, et à l'endroit où il est le plus large, il y a 1,2 km entre le pied de la face Est de la Tsanteleina en rive gauche et le bord du glacier en rive droite. Nous n'avons rencontré qu'une seule personne, un gars tout seul qui avait passé la nuit au refuge Benevolo avant d'aller à la Pointe de Bazel dont il descendait pendant que nous y montions.
Une belle crevasse, sous le sommet
Le sommet (3445 m) est atteint vers 10h45. Tour d'horizon (incomplet bien sûr !):

Face Est de la Tsanteleina
Le Val de Rhêmes et le Grand Combin tout au fond.
Le Cervin
Le Grand Paradis
Les Levanna et le Glacier des Sources de l'Isère
Zoom sur les Levanna
Face Nord de la Grande Ciamarella
La Grande Motte (et les remontées mécaniques de Tignes), la Grande Casse, et l'Epéna
Zoom sur la Grande Casse, la petite Face Nord semble bien enneigée
Couart Dessus et Tsanteleina
Nous devons franchir le plus tôt possible le col de la Tsanteleina car c'est une pente orientée à l'Est et le soleil chauffe très fort. Aussi, nous ne nous attardons pas au sommet: on enlève les peaux de phoque et on descend. Le souffle est encore un peu court et les cuisses brûlent, mais heureusement la neige est bien portante, un peu dure mais sans être verglacée, et les virages s'enchaînent sans effort.
Nous contournons la grosse crevasse par la droite, puis barre à babord toute pour passer au pied de la face Est de la Tsanteleina, jusqu'au col.
Descente résumée en 5 minutes de vidéo. Ne manquez pas la petite coulée qui se déclenche dans la paroi, à 3'57. C'est un bout de corniche qui s'effondre, ce n'est pas très gros et ça dure 3 secondes, pas plus !

Au col, nous avons à remonter une pente courte mais raide. La neige a déjà bien chauffée. Des purges se sont produites, sans doute la veille. Je grimpe le long d'une petite goulotte, formée par une de ces coulées, mais je m'enfonce jusqu'aux genoux et dans la partie la plus raide, je dois creuser une véritable tranchée, à grands coups de pieds et de genoux, et je me tracte sur le piolet et un bâton que je plante le plus profondément possible. La lutte est homérique (n'ayons pas peur des mots), j'ai parfois l'impression de nager plus que de grimper. Quelques mètres en dessous de moi, Seb est anxieux, nous sommes dans un véritable four et la neige est gorgée d'eau. Mais la pente est courte et je parviens à me hisser jusqu'aux rochers, quelques mètres sous le col. Seb me rejoint rapidement. Ce n'est pas encore gagné, mais au moins nous sommes sortis de la neige. La suite n'est pas difficile, mais le rocher est brûlant, et un peu délité. Je teste chaque prise avant de tirer dessus. C'est un peu long, mais je grimpe sereinement, et après une grosse suée de 30 minutes, nous sortons au col, au pied de la face Nord de la Tsanteleina:

Des plaques se sont formées et "auto-purgées" sous la corniche
La Pointe de Bazel et notre itinéraire de descente sous la face Est de la Tsanteleina
Même le haut de la face semble bien enneigé
Splendide arête
Pointes de Calabre et de Bazel, et au milieu, le col que nous avons franchi ce matin
Et derrière le col de Rhêmes-Calabre: Les Levanna
Après une telle débauche d'énergie, les sandwichs sont les bienvenus. La descente doit se poursuivre par des pentes orientées Ouest, où la neige doit donc se ramollir dans le courant de l'après midi. De plus il souffle un petit vent d'ouest qui à 3150 m, est assez vivifiant. Aussi décidons-nous de nous octroyer une petite sieste sur ces pierres toutes chaudes.
Je me réveille alors que je rêve à voix haute "Quel est l'imbécile qui a poussé la clim ?"
Il est 13h45, le petit vent frisquet souffle toujours. A 14h nous levons l'ancre, approximativement la même heure que lors de nos précédentes excursions dans la face Nord de la Tsanteleina (2008: Seb et moi).
La face Nord de la Tsanteleina dans toute sa largeur
Seulement voilà, ce 11 mai 2012 est une journée chaude, il fait 29° à Bourg Saint Maurice, 30° à Albertville, la nuit dernière, le regel a été très médiocre, inexistant en-dessous de 2500 m, et la neige de surface est relativement récente puisque avant hier encore, il faisait mauvais temps, et il a plu relativement haut (à plus de 2000 m).
Dès la première pente, la neige manque de portance, et si à 3000 m elle n'est pas encore trop humidifiée, elle n'est pas très agréable à skier (ou pas autant qu'on l'espérait). Heureusement, les skis larges sauvent la mise, et la sieste a été très bénéfique pour les cuisses ce qui rend la descente assez plaisante tout de même. Du moins sur les 500 premiers mètres (jusqu'à 2600 m) car ensuite c'est de la glue !

Mais bon, à cette altitude la "vraie" descente est terminée car on arrive au chemin plat qui longe le lac de la Sassière: 800 m à pied. Ici c'est le paradis des chamois:


A 2460 m, on retrouve un peu de neige relativement glissante qui nous permet de perdre tranquillement encore un peu d'altitude, jusqu'à 2350 m. Et c'est ici que se produit l'évènement majeur de la journée, la rencontre attendue, espérée depuis longtemps. Nous l'avions déjà aperçu parfois, très haut dans le ciel, on se disait "vu son altitude et son envergure, ce doit être lui". Mais nous n'étions jamais bien certains, ce pouvait être un aigle. Mais là, aujourd'hui, il est venu nous dire bonjour ! Il nous a fait entendre le sifflement de l'air sous ses ailes immenses, on a vu ses plumes orangées sous le ventre, et carrément rouges autour du cou. Aujourd'hui, le gypaète nous a survolé "en rase-mottes" à moins de 10 mètres de hauteur ! Et comme il est passé plusieurs fois, j'ai eu le temps de dégainer. Mais pas de zoomer ! Je l'ai photographié au 30mm:


Nous voilà donc parvenus au Plan de la Sassière, qui comme son nom l'indique, est un long plat d'1,2 km. D'habitude, on pousse sur les bâtons et avec quelques "pas du patineur", en 5 minutes l'affaire est réglée. Oui mais aujourd'hui, il n'y a plus que quelques plaques de neige éparses. Seb choisit l'option ski et reste peu ou prou sur le chemin qui décrit une grande courbe à gauche. Je choisis l'option "aventurier" hors piste mixte: tout droit au plus court, tantôt skis aux pieds, tantôt skis à la main, franchissements du torrent ... résultat, j'arrive au barrage (et donc au parking) du Saut avec une courte avance ! Altitude 2280 m, nous "découvrons" que ça monte très bien en Fiat Panda, la route est dégagée. Il nous reste donc 340 m à descendre jusqu'au fourgon garé à 1945 m, nous en ferons 120 à skis, le reste (220 m) pedibus !


mardi 8 mai 2012

Balade truffée dans les bois de Chamonix

Après la tempête de foehn qui a soufflée sur le massif du Mt Blanc, et la vallée de Chamonix, nous sommes allés constater les dégâts.






Et pour le plaisir, admirez les qualités de détente de la Truffe. C'est un vrai ressort ! Le Marsupilami lui-même ne ferait pas mieux.