vendredi 28 septembre 2012

Balade Franco-Suisse

Jeudi matin, pour la troisième fois en ce mois de septembre 2012, il a neigé sur la montagne !
Lever de soleil sur les Aravis avant de partir au boulot

Le temps est visiblement perturbé, nous ne sommes pas dans une période anticyclonique, les perturbations s'enchaînent, mais les différents prévisionnistes annoncent une probable fenêtre ensoleillée pour demain vendredi. Je suis en crédit à la pointeuse et je n'ai pas encore posé de "récupe" en septembre ... l'occasion est trop belle !

J'ai pris goût aux parcours d'arête et il y en a une qui m'attire depuis longtemps. Un récit sur internet me laisse penser qu'une boucle est sans doute possible: Le Tour - Col de Balme - Arête des Grandes Autannes - Refuge Albert 1er - Le Tour. La neige tombée en altitude va certainement compliquer les choses mais ce même récit m'offre un plan B: le vallon de la Chaux, sur le versant Suisse.

Aussi, vendredi à 8h30, je suis sur le parking du Tour, altitude 1470 m. Il fait frais, la terre du chemin est gelée, je suis content d'avoir pris mon bonnet ! D'autant plus que tout le début de l'itinéraire est à l'ombre.
Vue sur les aiguilles de l'Encrenaz, Morris et Mesure
L'aiguille Verte apparait
Les aiguilles de Chamonix et le Mont Blanc
9h45 au col de Balme: le soleil éclaire le côté Suisse, les aiguilles de l'Encrenaz, Morris, Mesure, et le Buet. Altitude 2205 m
 Au col de Balme, je tourne à droite pour gravir l'arête, plein nord, et bien sûr à l'ombre. Je ressens les effets d'un petit vent d'ouest. Ce qui m'inquiète un peu: la prochaine perturbation, prévue pour samedi, pourrait bien avoir un peu d'avance.
J'arrive au sommet des Grandes Autannes, et enfin au soleil, un peu avant 10h45.
Vue sur le vallon de la Chaux
Le glacier des Grands
Panorama
La suite de l'arête. La Pointe de Bron n'est que le 1er sommet prévu !
 A 11h15 mon inquiétude grandit: deux ânes viennent coiffer la Verte et le Mt Blanc (même si le nuage sur le Mt Blanc ne semble pas être un vrai lenticulaire).
L'âne vient se poser au sommet de la Verte
Tandis qu'un autre nuage vient flotter au dessus du Mt Blanc
Signe typique et bien connu annonciateur de mauvais temps. En haute montagne, lorsque ces deux sommets supérieurs à 4000 m sont coiffés de nuages lenticulaires, on ne tergiverse pas, on redescend ! Mais je me dis que je suis à l'Est du massif et que je devrais donc disposer d'un peu de temps supplémentaire ! Je continue, en gardant constamment un oeil sur le ciel.
Cairn sur l'arête, vue sur le Tenneverge, le Ruan ...
Le vallon de Tré les Eaux (parcouru l'an dernier), la pointe du Genévrier, et Le Buet
Gros plan sur les crevasses du glacier des Grands
 A 11h45 j'arrive au col des Autannes, 2777 m.
Vue sur la crête des Lys et la fenêtre d'Arpette
12h10: 2850 m, j'ai les pieds dans la neige
Barrage d'Emosson ...
 A 12h15 je fais la jonction avec l'arête Ouest qui monte directement depuis Le Tour, par le Bec du Picheu, et là, le choc est total, la haute montagne est là, d'un coup, subitement: le glacier du Tour à mes pieds, 400 m plus bas, et en face de moi le Chardonnet, Les Droites et la Verte:
Ciel d'automne sur le Chardonnet, les Droites et la Verte.
Plus à droite, tout en bas, 1400 m plus bas, le village du Tour:
... et les Aiguilles Rouges
Gros plan sur le Chardonnet, le col Adams Reilly
Ciel d'automne sur le bassin du Tour
Gros plan sur les pénitents
J'avale rapidement les 100 derniers mètres jusqu'au sommet de la Pointe de Bron (2954 m). Là je me rends compte que les choses se compliquent sérieusement. Le récit de "Tozaï Trek" était clair: "Après la pointe de Bron, le parcours change de configuration. L’arête devient aérienne avec des blocs instables, des passages délicats et aussi plus alpine car on se retrouve à la source des glaciers de Bron et des Grands". En effet, la suite relève clairement de l'alpinisme:
La suite de l'itinéraire suit le fil de cette arête qui part en arc de cercle vers la gauche
Je suis seul, en baskets, il y a de la neige ... même si je dois pouvoir me débrouiller sur ce terrain, combien de temps vais-je mettre pour arriver à la Pointe des Grands ? Et comment est l'éboulis qui redescend sur Albert 1er ? Après cette Pointe des Grands, comment est la descente sur le col (avant l'éboulis) ? Pour l'instant, l'état du ciel n'évolue pas franchement dans le bon sens. Pas d'hésitation: le demi-tour s'impose.
J'avale quelques bouchées de ma fameuse pâte d'amande au cacao, et je file. Je fais tout de même quelques photos:
Face Nord de l'aiguille d'Argentière, fenêtre sup. du Tour, la Bosse, et l'arête Forbes parsemée de gendarmes
Les séracs de la Verte, le haut du couloir Couturier qui plonge à gauche, en glace vive
Pointes et dents acérées défendent le rondouillard Mont Blanc
Les Aiguilles Rouges
12h50, en cours de descente
13h55 près du lac 2637, vue en direction de la fenêtre d'Arpette
Vers les Ecandies
Fenêtre d'arpette, un souvenir douloureux pour les cuisses de Jean Louis !
 Ce petit lac 2637 m offre certes un joli point de vue, et depuis l'arête il est facile d'accès. Mais repartir est une autre paire de manches ! Il m'a fallu naviguer à vue dans un réseau de vires enneigées, me fiant à mon seul instinct ... et aussi aux traces d'un animal, qui m'ont conduit jusqu'à sa tanière: un trou dans le rocher, une véritable petite grotte, juste assez grande pour laisser passer un homme. Je reviendrai !
Un peu plus bas, je découvre LE paysage du jour: les 2 petits lacs situés sous le glacier des Grands, entourés d'herbe, avec des zones parfaitement plates, c'est un lieu de bivouac idéal.







Glacier de Trient, Ecandies et Pointe d'Orny



Pointe d'Orny, glacier du Trient, à quelques pas seulement d'un autre lieu de bivouac totalement fantastique !
Fenêtre d'Arpette
 Il ne me reste plus qu'à enquiller le long chemin qui contourne la Pointe du Midi et le Trône du Berger, pour arriver au col de Balme, à 17h.
17h retour au col de Balme, côté français au soleil !
"Monstre nuage" sur le Mont Blanc !
 

Statistiques: 21 km pour 1660 m de D+, vitesse moyenne de marche effective (sans les pauses): 3 km/h.




Le fichier GPX est téléchargeable ici.
Et vous pouvez vous balader avec moi, ici. (simplement en faisant glisser le fichier gpx dans la fenêtre "Traces", puis en cochant "replay" dans le menu déroulant "fenêtres")

samedi 15 septembre 2012

24 km à couper le souffle en Beaufortain

Autant vous le dire tout de suite, vous allez être déçus. J'ai oublié l'appareil photo ! Il est resté accroché à une chaise du salon !
Je n'ai donc à vous proposer que 3 pauvres malheureuses photos souvenirs prises avec le téléphone. Et puis bien sûr aussi les photos de Seb !
Au départ du Cormet de Roselend (1970 m) ce samedi matin à 7h10, nous ne sommes que deux ! Il manque Jean Louis qui a du confier son épaule au chirurgien. Sorti hier seulement de l'hôpital, il est encore trop tôt pour qu'il puisse raisonnablement nous accompagner ! Nous comptons relier plusieurs cols et sommets, combes et arêtes déjà parcourus lors de différentes randonnées en skis ou à pied.
Le profil de l'étape est disponible sur VisuGPX. Pour visualiser en détail l'itinéraire parcouru, vous pouvez récupérer le fichier gpx (tout en bas de la page, dans le paragraphe "Services", télécharger le fichier GPX), l'enregistrer sur votre ordinateur, et l'ouvrir ensuite dans Google Earth, ou peut-être encore mieux, et surement plus simple, sur le portail de "MyGPSfiles": par le biais du menu "Traces - Ouvrir (là vous ouvrez le fichier gpx que vous venez de sauvegarder sur votre disque dur), puis cliquez sur Carte - Earth 3D, puis dans le menu Fenêtres, cochez Replay, une petite fenêtre s'ouvre avec les fonctions de lecture (comme pour un CD), il faut accélérer le défilement (on marche à pied, et on ne s'appelle pas encore Killian Jornet (jusqu'à 128x selon le niveau de zoom utilisé). Et là, le paysage défile littéralement sous vos yeux, c'est impressionnant !
Le mode d'emploi et les fonctionnalités de MyGPSfiles est ici ! C'est une application qui semble assez riche et simple d'utilisation, ça fonctionne en ligne, pas besoin d'installer quoi que ce soit sur votre ordi (juste le fichier GPX qui n'est qu'une collection de points issus du GPS: coordonnées, heure, altitude)




 Après 3 petits kms de plat pour s'échauffer, le sentier s'élève franchement et brutalement, jusqu'au "Passeur de Pralognan" où la vue s'ouvre sur les glaciers de la Vanoise, ceux de la chaîne frontière .... Nous partons à gauche en direction de la Pointe de la Terrasse. A 2680 m, sur l'arête, nous sommes cueillis par une petite bise matinale. Nous poursuivons jusqu'à l'antécime. La suite de l'arête n'est pas praticable pour nous et nous devons redescendre quelques dizaines de mètres pour retrouver le sentier ... qui disparait ensuite sous une petite couche de neige dure mais accrocheuse ("bon grip" !). Volontaires, nous progressons lentement mais sûrement. Nous arrivons à un petit collu où le sentier change de versant: de la pente O-S-O il passe dans la pente N-E. Nous ne sommes plus très loin du sommet, quelques dizaines de mètres seulement. Mais l'ambiance devient sévère et le sentier est maintenant recouvert de 20 cm de neige poudreuse. Nous sommes en baskets, j'ai de grandes chaussettes, mais Seb a les mollets totalement découverts. La décision est vite prise: on dépose les bâtons et on continue par l'arête qui est moins enneigée. L'escalade est facile mais on doit franchir un court passage enneigé qui nous oblige à mettre les mains dans la neige. Dire que samedi dernier c'était l'été ! Au sommet le vent ne s'est pas calmé. Mais nous sommes au soleil. les mains dans les poches on profite de la vue à 360°: sur le massif du Mt Blanc, du Tondu aux Grandes Jorasses, sur la chaîne franco-italienne, le Pourri, la Grande Casse, la Vanoise, et bien sûr une grande partie du Beaufortain et la suite de notre parcours, au Nord s'étalent les Aravis et la chaîne des Fiz.
Ce sommet, depuis le Cormet en passant par le Passeur de Pralognan, je l'avais déjà gravi, seul, en octobre 2006.
Seb au sommet de la Pointe de la Terrasse: fait pas chaud ! Vue sur le Mt Blanc, du Tondu Aux Grandes Jorasses
Le Beaufortain: Roignais (2995 m), Pointe de Combe Neuve, Aiguille de la Nova, Face Est de Presset, brèche de Parozan, Aiguille du Grand Fond

Le tracé de la suite du parcours
On stabule pas comme on dit en Savoie. Une pâte d'amande et zou dans la descente, cette fois ci par le sentier pour éviter de jouer au chamois sur l'arête. Le froid de la neige pique un peu les mollets pendant quelques minutes mais ensuite on se réchauffe très vite. Sous 2500 m l'herbe est rase et le sol un peu spongieux, courir est un enchantement. Plus bas dans le vallon du Charbonnet quelques tarines broutent encore. On ralentit le pas et on attaque la remontée en direction des 5 lacs. Ca dénivelle bien et on arrive rapidement au 1er lac, le lac Esola. On continue par le lac Cornu et le lac Noir.
Le lac Cornu
Puis on rejoint l'arête où l'on retrouve un peu de neige, mais rien de véritablement gênant. Cependant j'éprouve un peu de peine à trouver mon second souffle. Vers 2820 m, une courte traversée dans la pente Nord nous permet de rejoindre l'arête voisine que nous descendons jusqu'au col de la Nova. De là, nous allons contourner l'aiguille de la Nova par le sud. La descente dans le versant Ouest est un véritable calvaire: c'est une pente (déjà un peu raide, 35° d'après le topo de skitour) d'éboulis schisteux, assez glissants. Heureusement quelques langues de neige nous facilitent un peu les choses.
Seb et moi connaissions cette pente et cette arête pour les avoir parcourues en ski en mars 2007, lors d'un interminable périple autour du Roignais.
Environ 400 m plus bas, virage à droite, pour monter une raide pente herbeuse, que je connais par coeur: j'y suis passé à maintes reprises, à pied (notamment en octobre 2008) et à ski en janvier 2010, avec Seb, Jérôme et Bougnat. La pente est raide, en plein soleil, j'accuse le coup. Ma connaissance des lieux m'aide beaucoup car j'avance au moral. Parenthèse: sur le tracé de cette ascension, il y a comme un gros "détour en A-R" sur la ligne des 2500 m. Bien sûr je n'ai pas fait de crochet, je suis allé tout droit en direction du collu, je pense que ce défaut peut être du à la présence d'un autre appareil (GPS ou téléphone) dans le secteur, car Seb et moi avons entendu des voix et le pilier sud de la Nova est une escalade classique du secteur. Quand j'arrive au passeur, Seb a déjà englouti 2 de ses 4 sandwichs !
Le début de la descente est délicat: pente raide et présence de neige. De plus nous constatons avec horreur que le refuge de Presset a disparu !! Il datait de 1966 et il a été jugé trop vétuste par les instances du CAF, ne répondant pas aux normes de sécurité, patati patata ... et surtout trop petit et pas assez rentable (ils parlent de 1000 réservations refusées chaque été). Hé oui, même le CAF se comporte comme une entreprise commerciale ! Comme s'il n'y avait pas assez de lits EN FACE (à La Plagne et aux Arcs !) Notez bien que pour aider à la démolition, ils ont fait monter des bénévoles, à pied ! Un petit souvenir de ce vieux et charmant refuge, lors de notre raid de 3 jours en ski en février 2009:
Jérôme mange sa soupe, devant la collection des affiches de la Pierra Menta !
Une fois au col du Grand Fond, nous avons suivi une sente horizontale sous la paroi Est de la Pointe de Presset, jusqu'à la brèche de Parozan, où nous étions aussi passés pendant la 3ème journée de ce raid. La sentier qui descend de cette brèche est raide et parsemé de petites plaques de neige fort glissantes. Arrivés au replat, nous entamons la dernière ascension du jour, en direction du Passage d'Arpire, Seb sort la carte, et après une âpre discussion, le cap est mis ... sur le point 2527. Plus on s'approche de la pente finale et plus il m'apparait que le dernière pente est fort raide et ne comporte pas le moindre sentier. Ce qui n'inquiète pas Seb le moins du monde. Un coup d'oeil au GPS confirme: on va trop à droite ! Je rectifie le cap et une petite sente nous conduit gentiment au point 2562, le Passage d'Arpire, non nommé sur l'IGN papier, mais nommé sur l'IGN du GPS (plus récente ?). L'arrivée soudaine sur la crête est un véritable choc: le Mt Blanc nous saute aux yeux. La descente dans le long de l'arête puis dans la combe est un vrai plaisir, et c'est avec le sourire que nous arrivons à la voiture, où, sur les conseils de Jean Louis, Seb avait laissé une bouteille d'eau. Merci Jean Louis !