dimanche 24 juin 2012

Le tour du Tondu

On a pas réussi à atteindre le sommet, alors on a "tourné autour" !!
Départ à 5h40 du parking des Lanchettes, à 1970 m, au bout de la route des Chapieux. Objectif: le Tondu (ou à défaut le Pain de Sucre du Tondu), par le col du Tondu puis l'arête N-E, cotée PD (Peu Difficile). En fait la partie la plus compliquée (arête étroite et aérienne) se situe entre le Pain de Sucre et le véritable sommet du Tondu.
Une boucle d'environ 10 km pour 1600 m de D+

Au départ, nous échangeons quelques mots avec Christian, l'icône savoyarde de skitour, plus connu sous le pseudo de "Véloski". Deux de ses amis ont passé la nuit au bivouac d'Estelette pour escalader l'arête S-E de l'aiguille des glaciers. Il a rendez-vous avec eux au sommet du Dôme de neige et part avec les skis sur le sac, pour sans doute la dernière sortie de la saison.

Le sentier est assez raide et nous prenons rapidement de l'altitude. Seb qui court beaucoup en montagne, ne lambine pas. Hors de question de s'allonger dans l'herbe pour photographier les petites fleurs ! Heureusement, de temps à autre il s'arrête pour boire une ou deux gorgées. J'en profite pour me retourner et mettre en boîte un joli banc de brume matinale.
Il est 6h20, le soleil arrive au Col de la Seigne
Nous atteignons les premiers névés en neige bien dure, puis la moraine du glacier des Lanchettes, et enfin le pied du col du Tondu, aux alentours de 7h20. Vu de face, ce col se présente comme un véritable mur et si nous n'avions pas tous les deux regardé de nombreuses photos sur internet, nous pourrions penser que nous n'arriverons jamais à l'escalader. En fait l'impression est trompeuse. Il suffit de s'en approcher par le côté et de le voir de profil pour se rendre compte qu'il n'est pas si raide que ça, et qu'une belle vire très confortable permet de s'élever en douceur, d'autant plus sereinement et sans avoir à chercher l'itinéraire, que des câbles sont installés sur toute la longueur du passage.
Une cordée nous précède sur cette vire: en réalité, "c'est rando" !
Deux alpinistes attaquent l'ascension du col, ils sont sur la droite, un peu au-dessus du névé.
7h35: c'est au tour de Seb de s'élancer sur la vire:
En fait, le danger vient du câble lui même: par endroits, il est effiloché et on se blesse facilement les doigts si on le garde en main pendant que l'on avance.
Une petite vidéo pour constater que Seb se balade, une vraie promenade de santé !

8h, nous sommes au col, et au soleil, la vue se dégage et nous pouvons observer la suite de l'itinéraire. L'arête ne parait pas bien méchante. Nous pourrions facilement descendre quelques mètres pour prendre pied sur le glacier du Tondu, mais cette arête ne nous fait pas peur !
Seb grimpe sur un tas de cailloux !

Le cheminement est facile à trouver. En fait ça passe bien un peu partout. Ce n'est pas une arête fine et aérienne (du moins pas encore) et on peut progresser quelques mètres en contrebas ou plus près du fil de l'arête, au choix de chacun. Un petit ressaut nécessite 2 ou 3 pas d'escalade facile puis nous atteignons une pente de neige, déjà tracée. La pente est orientée à l'Est et la neige est déjà un peu ramollie. Nous ne chaussons pas les crampons, le piolet sera suffisant.
Nous approchons de l'antécime
A 9h nous sommes au Pain de Sucre. Seb tient absolument à tenter d'aller au vrai sommet. Nous nous engageons sur l'arête, mais rapidement nous tombons sur un passage "en rasoir", avec pas mal de "gaz", de chaque côté. Nous n'avons pas une accoutumance au vide suffisante, ni une technique d'encordement sur arête assez éprouvée pour franchir cet obstacle. Je connais la théorie: "il suffit" de passer la corde de l'autre côté des becquets rocheux, mais je ne possède pas la pratique et sur ce passage, il ne faudrait pas se louper ! Après quelques hésitations, nous décidons le demi-tour et revenons au Pain de Sucre où nous voyons arriver un "ancien". Un véritable personnage surgit tout droit des années 40 ou 50 ! Il a peut-être bien 70 ans (ou 65 au bas mot !), et son équipement semble avoir le même âge que lui: chaussures "old school" à semelles trop souple pour pouvoir être cramponnables (en tous cas pas avec les crampons d'aujourd'hui), 2 paires de chaussettes (une rouge montant jusqu'aux genoux + une autre blanche à la cheville), knickers de laine, chemise (certainement de ces vieilles chemises qui grattent horriblement), pull en laine et sac à dos en toile aussi large que haut. Un anachronisme ambulant. Il se dirige tout droit et sans hésitation, sur le passage "du rasoir". Combien de fois l'a-t-il déjà franchi ? 10 fois ? 20 fois ? Peut-être bien plus ! A cet instant, la cordée qui nous précédait redescend du sommet et se présente à l'autre extrémité du passage aérien et exposé, elle s'y engage en marchant quelques dizaines de centimètres sous le fil de l'arête, versant Est. Eux ont tout l'équipement moderne: vêtements techniques, casques, corde, piolet ... Notre "ancien" s'engage lui aussi dans le passage, mais par le versant ouest. Il croise la cordée "contemporaine": j'enrage d'avoir été tellement "scié" et bluffé que j'en ai totalement oublié la photo ! Il marche nonchalamment, sans doute sur une petite vire que nous n'avions pas vue, en posant une main sur le rocher. A le voir avancer, on croirait qu'il y a une véritable route ! Le temps d'avaler un "tube" de compote et le voilà au sommet, quelques secondes, sa silhouette se détache sur le ciel, comme à la grande époque de l'alpinisme: un pied sur un rocher, la main opposée sur la hanche !
Serons-nous toujours capables, Seb et moi, dans 25 ou 30 ans, de remonter là haut ?

Après ce moment d'anthologie, je prends tout de même quelques photos de paysage:
Col Infranchissable, Dôme du Goûter, arête des Bosses, Mt Blanc
Lacs Jovet, Aiguilles de la Pennaz
Les mêmes que précédemment, mais avec le sommet de Bionnassay tout à gauche
Le sommet du Mt Blanc
La vue panoramique
 10h: Nous chaussons les crampons et Seb entame la descente de l'arête Nord, en neige.
A 11h nous atteignons le passage délicat et exposé. Au printemps dernier, en ski, cet endroit ne posait aucun problème.
Mais aujourd'hui, la neige a fondu, l'eau ruisselle partout, formant plusieurs petits torrents, et le passage étant encore à l'ombre, de nombreuses pierres sont encore recouvertes d'une fine pellicule de verglas. Sans doute le passage le plus délicat de toute la journée !
Un peu plus bas nous assistons médusés à une poursuite de marmottes, elles ont littéralement "débaroulé" comme on dit à St Etienne une petite barre rocheuse pour continuer à se courir après sur le névé ! Là encore j'ai totalement oublié le "réflexe-photo" !

J'aurais bien cassé la croûte au bord d'un des lacs Jovet mais Seb préférait monter les 500 m du col d'Enclave avant de manger ! Nous avons donc coupé un peu dans la pente en dévers, sans descendre jusqu'aux lacs.
Primevères hirsutes (ou visqueuses), nom scientifique: Primula Hirsuta
 Cette montée au col d'Enclave est très raide et fut véritablement très pénible pour moi et je suis arrivé complètement exténué. Les sandwichs rapidement avalés, nous nous sommes offerts 30 minutes de sieste au soleil !
Depuis le col d'Enclave, vue sur les lacs Jovet
Pour la suite de cette balade, j'avais prévu de continuer par le col de la Grande Ecaille, mais pour rejoindre ce col, il faut passer par une petite pente en dévers qui domine une barre rocheuse. La sente n'y est pas très marquée et surtout, la neige n'a pas encore complètement fondu dans cette pente, rendant le passage (déjà exposé par nature) un peu trop tendu à notre goût.
Nous cherchons un itinéraire bis. Seb me demande si j'ai la carte. Evidemment, par soucis de légèreté, je l'ai laissée dans le fourgon. MAIS, je l'ai tout de même potassée avant de partir. Je sais
1- que la carte IGN n'indique pas d'autre chemin que celui du col de la Grande Ecaille (en pointillés rouges)
2- que la combe de Bellaval où nous nous trouvons est semée de petites barres rocheuses,
3- ma longue expérience d'abord de VTTistes des bois puis de randonneur en montagne m'a enseigné que les cartes IGN ne sont pas toujours justes et exactes, voir qu'elles sont souvent obsolètes,
4- nous nous trouvons sur un itinéraire qui peut être une variante du Tour du Mont Blanc, donc potentiellement très fréquenté,
5- j'ai tout ce qu'il faut dans le sac pour pouvoir éventuellement poser un rappel de 22 m.
Nous décidons donc d'aller voir ce que l'on peut voir depuis un petit promontoire situé à quelques pas au sud du lac d'Enclave. (Qui ferait d'ailleurs un splendide emplacement de bivouac !): La suite est prometteuse: quelques névés en pente douce qui rendent la marche facile et agréable et la descente assez rapide, et d'autres petits promontoires. Seb aperçoit un panneau, et moi des cairns énormes ! C'est bon signe. Les panneaux indiquent la direction du col de la Grande Ecaille à l'Est (zut, c'est le chemin qu'on ne veut pas prendre) et de Maisons Longe à l'Ouest, nom qui ne nous évoque rien ! Nous ne voulons aller ni à l'Est, ni à l'Ouest, nous voulons aller au Sud, vers le bas ! Dans cette direction, il n'y a pas de panneaux, mais il y a des cairns. Qui nous guident très efficacement et nous permettent de trouver un excellent cheminement au milieu des petites barres.
Si bien que nous arrivons rapidement aux chalets de Bellaval, non pas sur un tapis rouge, mais sur un tapis vert, clairsemé de blanc et de jaune.
Le col de la grande Ecaille à gauche
Le cirque de Bellaval; barres rocheuse, cascades ... et un chemin au milieu
Ca me rappelle un très vieux fond d'écran Windows !!!
 Et voilà, encore un peu de marche en dévers dans les prés pour couper les lacets de la route et nous rejoignons le parking des Lanchettes aux environs de 16h15, 10h30 après en être partis ! Encore une belle banbée !

 

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